Odessa. On ne sait pas trop quand, mais cela pourrait être aujourd’hui. Odessa, certes, mais qui n’est pas tout à fait l’Odessa réelle : cette ville pourrait être n’importe quelle grande ville, enflée de l’orgueil d’être le seul lieu au monde où se passe quelque chose, déniant l’ennui qui la ronge.
L’un des orgueils de cette ville, c’est Ossip Ossipovitch, le grand écrivain. Au début du roman, il revient, faisant circuler de mystérieuse façon (une sorte de télépathie ?) ses textes que les Odessites commentent fiévreusement. Ce ne sont plus les récits drolatiques d’autrefois, mais d’étranges textes de fin du monde, qui sont discutés par tous, et donnent notamment naissance à un mystérieux groupe, « les Purs », dont le but est de renverser l’ordre ancien pour mettre fin à une vie qu’ils jugent vide de sens.
Pourtant les Purs se perdent en vaines discussions, et quand bien même ils parviennent à organiser un prodigieux et apparemment salvateur Carnaval qui embrase toute la ville, ils n’en excluent pas moins deux de leurs membres Reinhardt et Macha. Cette exclusion provoque la dissolution du groupe, et l’on pourrait se croire revenus à la torpeur initiale.
Ce serait sans compter sur l’irruption d’une jeunesse – garçons et filles – qui, sans discours, passe à l’action, occupe les places de la ville, provoquant une répression sans précédent. Le soulèvement odessite prend alors des couleurs burlesques, tandis que survient une nouvelle catastrophe menaçant bien davantage que l’armée, la survie de la ville.
Fable d’aujourd’hui et pour aujourd’hui, Ossip Ossipovitch évoque – sous couvert d’Odessa – un monde où l’on peut reconnaître, par anamorphose, certains événements plus familiers : la peur des attentats, la quête de démocratie directe (Nuit Debout, Gilets jaunes), l’impossible insurrection qui redonnerait sens et beauté à la vie… Cette fable politique veut braver la violence et le cynisme des pouvoirs en rendant désirable et possible la révolte.