"Au commencement il y eut une interruption (...). Mais une interruption peut-elle survenir au commencement ?" ; Ainsi s'ouvre la première autobiographie jamais écrite par une machine... Créée par l'Institut pour la Science Impure, veillée par un géant au petit pied, une éternelle petite fille, un inventeur sans génie aux créations formidables, un grand roi sans couronne et un fantôme qui n'existe pas, la machine ktistèque n'est rien moins que le compendium mécanique de l'humanité.
Machine pensante qui englobe toutes les consciences, elle doit apporter la réponse à l'humanité. Que les hommes sachent quelle est la question, c'est une autre histoire... Marginal magnifique de la SF, Lafferty multiplie dans ce roman fou les expérimentations poétiques et fouille l'absurde sans relâche pour y dénicher du sens et du non-sens. Du Livre d'Isaïe au traité de Pline sur les géants, de Platon à saint Thomas d'Aquin en passant par le martyrologe, il convoque mille références, toutes plus ou moins truquées ou détournées, comme si son roman s'inscrivait dans une histoire parallèle de la littérature et de la philosophie.
Au fil d'une trame rigoureusement bordélique et délibérément zinzin, il tisse une jubilatoire et singulière métaphore de la création. Car cette machine, créée avec le "cellogel" des hommes et censée leur donner la connaissance d'eux-mêmes, ne serait-ce pas la littérature elle-même ? Plusieurs décennies après sa sortie, Autobiographie d'une machine ktistèque reste en tout cas l'une des propositions les plus fascinantes de la science-fiction américaine.