Tumultes

3 (rebaptisé Romanji dans sa nouvelle édition), l’improvisation par laquelle Hugues Micol avait fait son apprentissage de la bande dessinée, s’ouvrait sur un homme avalant un poisson et s’achevait, au bout d’une cavalcade insensée, devant l’encombrant cadavre de Poséidon. Cette longue poursuite muette, dont la seule justification tenait au besoin de dessiner les corps en mouvement et de montrer la ville livrée au chaos, avait révélé un dessinateur surdoué, plein de promesses. Pendant sept longues années, les initiés patientèrent pour découvrir la suite de cet ovni du 9e art. Ce fut Séquelles, qui confirma la puissance graphique d’Hugues Micol tout en dévoilant un dialoguiste à la verve abondante et drolatique. Séquelles réinventait par la parole l’univers délirant de Romanji et lui donnait une existence narrative. Entraînant le lecteur dans la folie d’un Tokyo factice où les monstres se multiplient à la façon des poupées russes, l'auteur rassemblait ses souvenirs de lecteur de super-héros et laissait à ses flics stoïques une heure pour sauver la civilisation humaine... Sept années s’écoulèrent à nouveau avant que Tumultes ne vienne transformer l’expérience en trilogie. Quel final ! Ce qui n’était au départ qu’improvisation graphique et jeu d’imagination prend avec cet ultime volume une forme cohérente, donnant à la frénésie une rigueur et une logique totalement inattendues. Séquelles apportait du sens à Romanji et lui offrait une conclusion. Tumultes, qui imagine l’épisode originel de la série, va plus loin en inventant à cet univers divagatoire un ordre implacable et une raison qu’on n’aurait pu soupçonner. Tout semble prendre naturellement sa place et gagner en profondeur. Époustouflant. Romanji, Séquelles et Tumultes montrent un auteur se construire, étapes par étapes. Empoignant sa création à bras-le-corps, Hugues Micol prend tous les risques, s’interroge et se défie lui-même au cœur de son œuvre. Cette trilogie de l’apprentissage, qui raconte et couronne le talent d’un auteur jubilatoire, est un cas unique dans la bande dessinée. Elle méritait bien cette édition définitive.