Knut est « celui qui ne se rappelle jamais ». Avec pour tout bagage un livre sur Diogène et une valise bourrée de billets, il sillonne l’asphalte au volant d’une Buick rouge des années 1950. Nul ne sait d’où il vient, ni où il va. Alors pourquoi pas vers le sud ? Embarquer avec lui, c’est se cramponner à la banquette arrière au gré de ses embardées, renoncer à la géographie, accepter les dilatations convulsives du temps. La raison cède alors le pas aux obsessions : la permanence de faisceaux strabiques dans le rétroviseur, les araignées qui n’en finissent pas de tisser leur toile, les petits parapluies noirs qui éclosent à la surface du bain. Dans cette vertigineuse fuite en avant, Knut plie et déplie les reliefs voluptueux d’un monde où chaque escale est une traversée hallucinée d’îlots féminins singuliers, peuplés d’incendies, de talons aiguilles et de sucettes maléfiques. À mi-chemin entre Lynch, Magritte et Vian, la fantaisie inquiète d’Olivier Saison déroute et subjugue, avec la grâce ciselée d’une jarretière couleur chair.